Gretsch

Des musiciens prestigieux comme Chet Atkins, Bo Diddley, Georges Harrison, Brian Setzer, Malcolm Young, Billy Gibbons et Jack White furent et restent de fidèles utilisateurs de guitares Gretsch, parfois très personnalisées comme les guitares rectangulaires ou aux formes futuristes de Bo Diddley. - Les débuts : C'est en 1883 que le jeune Friedrich Gretsch, jeune immigré allemand, ouvre une petite boutique d'instruments de musique. Y sont principalement fabriqués des banjos, des batteries et des tambourins. Il décèdera 12 ans plus tard, laissant la boutique aux mains de son jeune fils Fred, âgé de 15 ans. Ce dernier réussit alors en quelques années et par des manœuvres habiles à faire de la petite boutique de son père une société de fabrication d'instruments réputés. En 1916, il déménage sa société dans un immeuble de Brooklyn, construisant de plus en plus de guitares hawaïennes et des arch-top, les Synchromatic. À sa retraite en 1942, son fils William prend la tête de l'entreprise avant l'avènement de Fred Gretsch Jr. en 1948, qui installe pour de bon l'entreprise dans le peloton de tête des fabricants de guitares américains. - L'âge d'or : Des Gretsch électrifiées existaient déjà dans les années 1940, comme la Electromatic Spanish. Les années 1953, 1954 et 1955 connurent un tournant décisif avec la sortie de plusieurs nouveaux modèles sous l'impulsion de Duke Kramer, dont certains sont toujours fabriqués aujourd'hui : la Duo Jet, ressemblant superficiellement à la Gibson Les Paul, mais dont le corps était évidé, puis la Roundup, une version country Chet Atkins ; - les Convertible, Corvette et Streamliner, semi-acoustiques à un micro ; - les semi-acoustiques à deux micros comme la Country Club, la White Falcon, modèle « de luxe » de la gamme, et enfin la 6120 Chet Atkins qui devint l'étendard de la compagnie. Ces années marquèrent donc le début d'une longue collaboration avec Chet Atkins, célèbre guitariste de country et pionnier du finger picking qui aida à concevoir plusieurs autres modèles dont la Country Gentleman de 1957, à la demi-caisse plus fine que les modèles précédents. C'est pourtant le rock & roll qui fit exploser médiatiquement la marque à la fin des années cinquante. Eddie Cochran avec sa 6120 modifiée, Cliff Gallup et sa Duo Jet, et Bo Diddley et sa Jupiter Thunderbird sur mesure lui assurèrent une solide notoriété chez le jeune public de l'époque. Les finitions se diversifièrent de manière unique. Alors que Fender se servait de peintures pour carrosserie, que Gibson cultivait un certain classissisme, Gretsch allait jusqu'à recouvrir ses caisses de paillettes argentées (la Duo Jet devenant ainsi la Silver Jet). Ce manque de discrétion assumé s'exprimait également dans l'accastillage où les dorures voyantes prédominaient sur certains modèles comme la Country Gentleman et surtout la White Falcon. Ces décorations, que l'on peut aussi bien trouver de mauvais goût qu'admirer comme archétype de la culture américaine d'après-guerre, ne doivent pas faire oublier la lutherie. À l'inverse de Fender ou de Rickenbacker, qui démarrèrent leur activité avec les guitares électriques, Gretsch, comme Gibson, possédait à l'origine une vraie culture de lutherie acoustique. Le haut niveau de qualité requis pour la conception et la fabrication des instruments traditionnels se retrouvait dans les guitares électriques de la marque, sans pour autant négliger les apports de l'innovation en ce domaine. Par exemple, le trestle bracing apparu en 1959 sur les guitares semi-acoustiques comme la 6120 était constitué d'arceaux en bois placés entre le fond et la table de la caisse. Ce dispositif limitait les possibilités de larsen tout en conservant une réelle qualité acoustique au son de l'instrument, contrairement à la poutre centrale conçue par Gibson pour la ES-335. La fin de la période de gloire du rock & roll, en 1960, aurait pu porter un coup sérieux à la popularité de ces guitares. C'est à cette époque que le guitariste d'un petit groupe anglais émigré en Allemagne, George Harrison, acheta une Duo Jet, puis une Country Gentleman, enfin une Tennessean. L'immense succès des Beatles jeta les années suivantes un nouveau coup de projecteur sur les guitares Gretsch, surtout sur la Tennessean que Harrison arborait lors des concerts et des émissions de télévision. Les ventes explosèrent. La réponse américaine à la British invasion ne se fit pas attendre avec les Byrds, où David Crosby jouait également sur une Tennessean. Les Monkees eurent droit à un modèle à leur nom mais celui-ci ne connut pas le succès commercial escompté, étant donnée leur réputation de « groupe fabriqué » chez les musiciens. Surtout, l'évolution des goûts s'accélérant au cours des années 1960, la génération montante de guitar heroes comme Eric Clapton, Jeff Beck, Jimmy Page ou encore Jimi Hendrix ignora les Gretsch au profit des Fender Stratocaster et des Gibson Les Paul. Les White Falcon et 6120 de Stephen Stills et Neil Young, d'abord au sein du Buffalo Springfield, puis dans CSN&Y, enfin au début de leurs carrières solo respectives, n'y changèrent rien. - Baldwin et la chute : Fred Gretsch Jr. ne trouvant pas d'héritier jugé digne de lui succéder, il vendit la société à Baldwin Piano Company en 1967. La production fut délocalisée en 1970 dans une usine de l'Arkansas pour des raisons comptables, l'administration quittant définitivement New York en 1972. Les problèmes se succédaient, d'incendies de l'usine en sabotages supposés de la part d'employés mécontents. De nouveaux modèles arrivaient, comme la Super Chet et la Atkins Axe, pendant que les anciens se voyaient transformés : les micros et l'accastillage changeaient mais, surtout, la qualité générale de fabrication se dégradait d'année en année. Tout se passait comme si Baldwin ne savait pas réellement quoi faire d'une telle société. Le coup de grâce survint en 1979, juste après la mort de Fred Gretsch Jr. : Chet Atkins, écœuré par des guitares qu'il jugeait indignes de leur gloire passée, résilia son contrat pour partir chez Gibson. La série BST (surnommée « The Beast »), dernière jamais produite, ressemblait bien plus aux solid bodies habituelles, voire aux nouvelles Japonaises de l'époque, qu'aux modèles classiques de la marque et passa totalement inaperçue. Baldwin arrêta la production en 1981. - La renaissance japonaise : Un autre Fred Gretsch, neveu de Fred Jr., racheta la marque en 1989. Plus rien ne restait de la compagnie. Il réussit cependant à trouver un accord avec les Traveling Wilburys pour sortir un premier modèle à leur nom, une sorte de Danelectro fabriquée en Asie qui n'avait rien à voir avec la flamboyance de ses ancêtres. Les ventes permirent de dégager suffisamment de capital pour installer le siège de la société en Géorgie et commencer à chercher une usine susceptible de reprendre la production. Après plusieurs tentatives infructueuses aux USA, Fred Gretsch et Duke Kramer contactèrent l'usine de Terada au Japon qui sortit les reissues des anciens modèles au cours des années 1990, avec un succès mitigé notamment en raison de nombreuses infidélités aux spécifications d'origine. Certains exemplaires entièrement construits aux États-Unis furent par ailleurs proposés à la vente, mais à un tarif exorbitant. Le rachat de Bigsby à Ted McCarty, ancien président de Gibson, en 1999, permit de contrôler plus étroitement la fabrication de ces vibratos historiquement associés aux guitares de la firme. Parallèlement, la fascination pour ces instruments n'avait jamais cessé pendant les années noires. Les Stray Cats et leur rockabilly modernisé avaient pris d'assaut les scènes internationales en 1981 grâce au charisme et à la prodigieuse virtuosité de leur chanteur-guitariste, Brian Setzer, auquel était désormais associé la Gretsch 6120 dans l'esprit du public. C'est pourquoi il fut le premier guitariste depuis Chet Atkins à bénéficier d'un modèle « signature » en 1990, lequel ne fit que débuter une longue série de 6120 à son nom. Une nouvelle ligne de guitares apparut à la fin des années 1990, reprenant le nom Electromatic. Il s'agissait de modèles d'entrée de gamme rappelant de loin les modèles originaux, fabriqués en Chine, aux manches vissés, en suivant la démarche qui avait naguère poussé Gibson à relancer la marque Epiphone et Fender à créer la marque Squier. - FMIC : Dans les années 2000, la Fender Musical Instrument Corporation, société mieux connue sous le nom de Fender, entama une politique de croissance externe en rachetant divers fabricants d'instruments de musique. De même que les guitares Guild et Charvel/Jackson ou les amplis Sunn et SWR, entre autres, la nouvelle société Gretsch tomba dans son giron en 2002 par un accord donnant à Fender le contrôle total sur la fabrication et la distribution des instruments. Le but de l'opération était de retrouver la qualité qui avait fait la notoriété de la marque et de revenir aux spécifications et à la construction d'origine. À cet effet, un travail que l'on peut qualifier d'archéologie technologique a été entrepris car la mémoire des ouvriers de l'usine avait quasiment disparu. Il a fallu aller jusqu'à passer une 6120 au scanner (évènement à l'époque largement médiatisé par Gretsch/Fender1) à Scottsdale Medical Imaging Ltd. en 2003 pour retrouver le secret du trestle bracing de 1959. Entretemps, un luthier américain, TV Jones, s'était spécialisé dans l'étude des micros de guitare vintage et était parvenu à fabriquer des reproductions des fameux humbuckers Filter'tron d'origine en utilisant des aimants en alnico, comme ceux des guitares originelles, au lieu de la céramique employée dans les micros asiatiques de la production d'alors. Son nom circulait de bouche à oreille dans une clientèle de stars et, après écoute, Brian Setzer décida d'équiper son modèle « signature » de ces reproductions. Ce fut le début d'une collaboration entre Gretsch et TV Jones qui dure jusqu'à aujourd'hui. La conjonction, d'une part, de la volonté de Fender d'améliorer la qualité de la lutherie et, d'autre part, de la disponibilité de micros fidèles aux originaux, permit à Gretsch de véritablement décoller pour redevenir un acteur majeur sur le marché de la guitare électrique. Les reissues ne laissaient plus rien à désirer en matière de fidélité aux spécifications et de nouveaux modèles apparurent, surtout des variations sur les originales où des détails choisis comme des finitions inédites, des mécaniques Spertzel à blocage et des micros TV Jones à haut niveau de sortie, tout en conservant une qualité constante, ouvrirent la marque à un plus large public que celui des aficionados. La gamme Electromatic fut améliorée, par exemple en limitant l'usage des manches vissés, ce qui lui assure actuellement un certain succès.

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